La Course aux documents

23 avril 1923
Attablé au Pete's Bar devant un expresso corsé dont il est friand, Chuck s'est vu abordé par un client particulièrement curieux... Dégingandé et apprêté, il était aussi visible qu'une nonne à un congrès de pousse-bouchons dans un rade de Chicago... Vêtements élimés et froissés, l'intrus s'installa en face du détective noir. Il disait se nommer Thomas Kimball et être la victime d'une forme de harcèlement particulièrement pernicieuse. Chuck pensa, en écoutant son histoire, que son calvaire était une semaine de vacances à côté des sévices subit au bagne d'Angola, mais il y avait,d ans le récit de Kimball des éléments troublants et étranges à mêmes de piquer sa curiosité de détective.

Depuis la disparition de son oncle il y a une année, Kimball habitait dans la maison de son parent, à proximité de la ville d'Arkham à une trentaine de kilomètres au Nord de Boston, entre Salem, Kingsport et Insmouth... Maître d'école, apprécié des habitants de la bourgade, le jeune homme était allé trouver Chuck après avoir été éconduit par les forces de police du Massachussetts. En effet, à plusieurs reprises, la bibliothèque de son défunt oncle s'était trouvée amputée de quelques ouvrages, bibliothèque qui se trouvait dans l'enceinte même de sa maison. Oh, rien d'extraordinaire, mais jamais son oncle ne se serait séparé d'un de ses précieux livres dont il tenait un listing très précis car pour lui, ces rayonnages étaient l'accumulation de toute une vie, son bien le plus précieux...

Après avoir répondu à quelques questions de Chuck, Kimball et le détective sortirent du bar pour entamer un périple d'une trentaine de kilomètres de Boston à Arkham. Au fur et à mesure qu'il quittaient la ville, Byrne fut surpris par la désolation progressive du paysage et, bien qu'ils fussent au printemps, les nappes de brume épaisse, la boue, la bruine et le vent s'engouffraientt dans tous les coins lui firent furieusement penser à l'automne ou bien encore la mort hivernale...

Au bout de trois heures de route en Ford T, un "tape-cul innommable", selon Chuck, ils arrivèrent aux abords de la sombre ville d'Arkham, une bourgade qui s'est épanouie jadis le long des rives du fleuve Miskatonic mais qui n'est plus désormais que quais déserts jonchés de détritus, mornes boutiques et rues désertes...

La maison ressemblait à une maison abandonnée depuis des semaines, poussière et toile d'araignées étaient omniprésentes. Certains meubles ont été carrément recouverts de draps et ne semblaient pas avoir été bougés. Thomas paraissait n'avoir vécu que dans les pièces qu'il s'était octroyées au rez de chaussée, à savoir la salle de bain,  la cuisine et sa chambre. Les livres étaient partout et chaque mur servait de soutien à une ou plusieurs étagère, les cheminées étaient aussi recouvertes d'ouvrages de toutes tailles, reliés de cuir, de papier ou de carton. A une époque il semblait que des tableaux décoraient les deux pièces principales mais ils avaient du être retirés. A l'étage il y avait le cabinet/chambre de Douglas, jonché de livres, comme si on avait fouillé sa chambre. Un grenier, accumulation disparate de souvenirs éparses d'une vie révolue, était également à l'étage.

Bien que, selon les propres termes du détective de Boston, le professeur "travaillait furieusement du chapeau", termes imagés pour exprimer son diagnostic de paranoïa chez Kimball, Chuck ne pu nier qu'il avait ressenti le soulagement chez le jeune homme à passer, pour la première fois depuis des lustres, une nuit tranquille.. Enfin, tranquille, pas tant de ça... Pendant que "quat'zyeux" dormait du sommeil du juste, le père Chuck faisait le pied de grue dans le salon pour essayer de prendre la main dans le sac, un éventuel monte en l'air... Mais ce qui arriva le surpris encore davantage qu'un cambrioleur : il fut réveillé par le tintement caractéristique d'une clef s'insinuant silencieusement dans la serrure.